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POESIES
de Marcel Fakhoury
Autrefois je vivais dans une ville antique
Sous l’œil des Pharaons, des Grecs et des Romains
La mer était si bleue, le ciel si poétique
Que je pensais tenir le monde entre les mains
Les plages de chez nous portaient des noms magiques
Stanley, Cléopâtra, Sporting, Sidi-Gaber
Chacune éveille en moi des pensées nostalgiques
Quelques brins de muguet dans mon jardin d’hiver
Des souvenirs lointains rangés dans ma mémoire
Que je croyais perdus, s’animent devant moi
Chaque lieu, chaque objet me rappelle une histoire
Qui jaillit du passé pour me remplir d’émoi.
Je revois la maison rose qui m’a vu naître
Et l’étroite ruelle où je jouais jadis
Les « Nonnas », les « Geddos » penchés à leur fenêtre
Les marchands ambulants, les vendeurs de maïs
Je revois mon école et son portail qui grince
Le cher frère en soutane et mon vieux tablier
Ma chaussure trouée, mon estomac qui pince
Devant le tableau noir, la plume et l’encrier
Je revois sur la mer les reflets de Neptune
Puis cette jeune anglaise à la robe indigo
Qui chantonnait pour nous le soir au clair de lune
“Old
Mac Donald had a farm, hia, hia, ho !”
Je revois le tramway, l’antre cosmopolite
Que tous les lycéens prenaient chaque matin
J’entends avec bonheur leur parler insolite
Un zeste de français, de grec et de latin.
Je revois cette fille au visage angélique
Avec qui je dansais harmonieusement
Serrés, joue contre joue, quand ma bouche impudique
M’attira vers la sienne irrésistiblement
Je revois la corniche et la dernière vague
Qui suivit mon exil en escortant mes pleurs
Mon chagrin si profond, mon esprit qui divague
Sur ce grand paquebot qui m’emportait ailleurs
Enfant de mon pays, je t’offre ce poème
Que tu sois d’Aboukir ou bien d’El Alamein
Alexandrie pour nous sera toujours la même
Un rêve inachevé «Ya leil, ya leil, ya hein ! »
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Les
mères de chez nous, fières alexandrines
Vivant
au rythme doux de l’antique cité
Portaient
de beaux prénoms, puisés dans leurs racines
Deborah,
Despina, Salma, Félicité
Les
mères de chez nous avaient pour tout loisir
La
messe du dimanche ou une promenade
Au
jardin de Nouzha, et l’immense plaisir
D’aller
au bord de mer boire une limonade
Les
mères de chez nous, jouissaient du bien-être
Des
scènes de la rue et des mille rumeurs
Que
l’on se racontait de balcon à fenêtre
Le
soir avant dîner et selon ses humeurs
Les
mères de chez nous, à la veille des fêtes
Fleuraient
bon le persil, la menthe et le cumin
Puis,
au lever du jour, devenaient plus coquettes
Semant
sur leur passage une odeur de jasmin
Les
mères de chez nous ont connu la souffrance
Quand
l’époux s’en alla vers un ciel plus clément
Le
vide qu’il laissa préluda leur errance
Il
creusa leur visage, engendra leur tourment
Les
mères de chez nous n’ont
pas pu se remettre
Les
enfants, en quittant le pays tour à tour
Les
laissèrent cloîtrées, attendant une lettre
Qu’elles
liront cent fois, priant pour leur retour
Les
mères de chez nous d’une voix incertaine
Fredonnaient
les refrains que les gamins jadis
Chantaient
joyeusement à la claire fontaine
Avant
de s’exiler vers de faux paradis
Les
mères de chez nous, frappées par le destin
Emportant
dans leur cœur une peine profonde
Quittèrent
le pays pour partir un matin
Rejoindre
les enfants à l’autre bout du monde
Les
mères de chez nous tenaient aux traits d’union
Le
vieux chapelet gris, des photos défrichées
Celles
du mariage et de la communion
Une
lettre jaunie et quelques fleurs séchées
Les
mères de chez nous, résignées et amères
Lasses
de trop pleurer, dépourvues de printemps
Retrouvaient
quelquefois des bonheurs éphémères
Penchées
sur ces photos délabrées par le temps
Les
mères de chez nous ont fermé leurs paupières
Dans
la béatitude et la félicité
Dédiant
leurs pensées et d’ultimes prières
Aux
lointains souvenirs de l’antique cité
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